(Agence Ecofin) - Malgré les efforts mondiaux pour une meilleure traçabilité des minerais stratégiques (coltan, étain, etc.) essentiels à plusieurs industries, des problèmes persistent. La RDC estime que les actions d’entreprises comme Apple pour lutter contre le négoce des minerais de conflits sont insuffisantes.
L’Etat congolais a envoyé une mise en demeure à Apple dans laquelle il l’accuse d’utiliser dans ses produits des minerais provenant de sources présumées illégales. Cette mise en demeure s’accompagne d’une liste de questions auxquelles l’entreprise américaine doit répondre dans un délai de trois semaines, selon les avocats mandatés par la RDC, qui indiquent que « toutes les options judiciaires » sont envisagées.
D’après les détails rapportés par plusieurs médias internationaux, les minerais 3T (étain, tungstène, tantale) utilisés par Apple dans ses équipements électroniques sont achetés au Rwanda, pays que la partie congolaise accuse d’être un « acteur central de l'exploitation illégale de minerais et notamment de l'exploitation de l'étain et du tantale en RDC ». La mise en demeure indique que ces minerais sont produits dans des mines congolaises où des droits de l’homme sont violés, et ensuite acheminés par contrebande au Rwanda où ils entrent dans les chaines d’approvisionnement mondiales.
« La société Apple semble s’appuyer principalement sur la vigilance de ses fournisseurs et leur engagement à respecter le code de conduite d'Apple, ainsi que les audits externes réalisés sur l'activité de ces fournisseurs. Or, tant ces fournisseurs que les entreprises d’audit apparaissent s'appuyer sur la certification ITSCI dont les dysfonctionnements graves et nombreux ont été démontrés », ont déclaré les avocats, selon des propos rapportés par Le Figaro, indiquant que les engagements et précautions pris par la société américaine sont « notoirement insuffisants ».
Apple a réagi aux nouvelles accusations en indiquant qu’aucune des raffineries ou fonderies 3TG (étain, tungstène, tantale, or) faisant partie de sa chaine d’approvisionnement « n’a directement ou indirectement financé ou bénéficié à des groupes armés en RDC ou dans un pays limitrophe ». Il faut souligner que depuis plusieurs années, la société exige que les fonderies et raffineries fournissant et traitant les minéraux utilisés dans ses produits subissent un audit de tiers sur leurs pratiques d'approvisionnement responsable. De 2009 à début 2022, la société a retiré 163 fonderies et raffineries de sa chaîne d'approvisionnement (9 concernant le tantale, 50 l’étain, 19 le tungstène et 85 l’or) selon une déclaration à la Securities and Exchange Commission (SEC), citée par Bloomberg en février 2022.
Des accusations pas nouvelles
La nouvelle mise en demeure intervient moins de deux ans après la sortie d’un rapport de Global Witness qui indiquait que les minerais 3T, provenant d’opérations minières contrôlées par des groupes armés et largement utilisés dans les ordinateurs, téléphones portables, consoles de jeux et autres appareils électroniques, intègrent finalement les chaines d’approvisionnement de géants du secteur comme Tesla, Apple, HP, Nokia ou encore Intel.
Le document estime que l’ITSCI, un mécanisme censé fournir une chaîne de traçabilité fiable des minerais 3T, faciliterait le blanchiment de minerais de contrebande ou en provenance de mines contrôlées par des groupes armés. Selon l’ONG, 90% des quantités de coltan (principale source du tantale), d’étain et de tungstène, exportés par le Rwanda sont introduits illégalement à partir de la RDC.
En 2019, International Rights Advocates, un cabinet de défense des droits humains, a déposé un recours collectif fédéral à Washington DC contre Apple, Microsoft, Alphabet, Dell Technologies et Tesla, qu’il accusait d’avoir fermé les yeux et même encouragé « l’utilisation cruelle et brutale de jeunes enfants » pour extraire du cobalt en RDC.
Si les accusations à l’encontre d’Apple ne sont donc pas nouvelles, la nouvelle action de la RDC met en lumière la responsabilité des grandes entreprises tech dans les chaînes d’approvisionnement mondiales en minerais stratégiques. La traçabilité de ces minerais est assez complexe et les programmes mis en place pour aider à assurer qu’ils proviennent de sources légitimes et éthiques ne sont pas infaillibles et peuvent être critiqués pour leurs lacunes. Malgré les efforts consentis par les entreprises tech (comme susmentionné) ainsi que la RDC pour favoriser une meilleure traçabilité, les marges d’amélioration sont encore grandes. La nouvelle sortie de la partie congolaise pourrait aider à changer davantage la donne.
Louis-Nino Kansoun
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