(Agence Ecofin) - Dans un contexte économique particulièrement instable en Afrique de l’Ouest, la BOAD est confrontée à des défis de plus en plus pressants, avec deux Etats membres, la Guinée-Bissau et le Niger, qui ont arrêté de rembourser.
L’agence de notation financière Fitch Ratings vient de réviser à la baisse la perspective de la note de la BOAD, la faisant passer de stable à négative, tout en maintenant sa notation à 'BBB'. Cette décision, justifiée par Fitch, reflète les incertitudes pesant sur la capacité de la banque à maintenir la qualité de son portefeuille de prêts, dans un contexte où deux de ses débiteurs, la Guinée-Bissau et le Niger, montrent des signes de fragilité financière.
La Guinée-Bissau, représentant 5% des prêts de la banque, est en pleine restructuration de sa dette publique et a suspendu ses remboursements, jusqu’à la fin de l’année en cours, à la BOAD tandis que le Niger, qui représente 10% du portefeuille, malgré la levée récente des sanctions économiques par la CEDEAO, tarde à reprendre ses paiements. L’incapacité de ces deux pays à respecter leurs engagements pourrait affecter la stabilité financière de l'institution, indique l’agence de notation.
Selon elle, l'ombre des prêts non performants plane. Leur augmentation, déjà observée à hauteur de 2,6% à fin 2023, pourrait s'intensifier si les paiements ne reprennent pas, alerte Fitch. La BOAD bénéficie certes d'une augmentation de capital en cours, qui devrait renforcer sa solvabilité, mais l'agence de notation reste prudente quant à l'impact potentiel de l'environnement opérationnel sur la banque.
La BOAD opère dans un environnement considéré comme à haut risque par l’agence de notation, en raison notamment de la faible qualité de crédit et des risques politiques élevés dans les pays où la banque est active.
Et pour l’institution américaine, la dilution récente de la participation de la BCEAO suite à la nouvelle augmentation de capital « affecte le soutien ». La part de la BCEAO est passée de 47% à 36%, ce qui réduit son influence et potentiellement son soutien en cas de besoin.
« Suite à la souscription à la nouvelle augmentation de capital, la part de la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) dans le capital a nettement diminué, passant de 47% à 36%, entraînant un affaiblissement de notre évaluation de la capacité des actionnaires à soutenir à 'bb' (contre 'bbb-' précédemment) », souligne Fitch. Toutefois, la montée en puissance des actionnaires non régionaux qui voient leur part augmenter de 6% à 13% introduit un nouveau souffle potentiel dans la stratégie de la banque, bien que cela puisse également entraîner de nouveaux défis de gouvernance et d'alignement stratégique, constate l’agence.
Cependant, un point positif demeure : la BOAD peut encore jouer de sa bonne situation de liquidité comme d'une carte maîtresse. Fitch met en avant l'accès privilégié de la banque aux facilités de refinancement de la BCEAO, un avantage décisif. « L'évaluation reflète la '’forte’' couverture de la dette à court terme par des actifs liquides et l'accès avéré de la banque aux marchés de capitaux. Fitch ne considère comme liquides que les dépôts détenus à la banque centrale régionale et les titres de dette souveraine régionaux qu’elle peut refinancer avec la banque centrale (après application d'une décote de 10%). L'évaluation de la liquidité est renforcée par l'accès de la BOAD à la fenêtre de refinancement de la banque centrale régionale », argue l’agence.
Ce niveau de liquidité, couplé au soutien de ses membres, confère à la BOAD une capacité de résilience face aux défis actuels et futurs, et aussi grâce à la capacité exceptionnelle de la BCEAO de mettre la main directement sur les ressources fiscales des Etats membres pour soutenir le projet d’augmentation de capital auquel ils ont souscrit.
Sous Serge Ekue, la BOAD lave ses écuries
La BOAD a significativement renforcé ses ratios de capital en 2023, atteignant respectivement 35,1% et 34,1% pour les fonds propres/actifs et les actifs pondérés par le risque utilisable. Cette progression est d'autant plus remarquable que le ratio de la dette, qui dépassait 200% il y a quelques années, a été ramené à 176% à fin 2023, ce qui redonne peu à peu des coudées franches à la banque pour continuer à mobiliser des ressources. Fitch prévoit que ces indicateurs resteront largement stables à moyen terme, soutenus par les paiements de capital libéré échelonnés sur cinq ans à partir de 2023, et par l'expansion continue des opérations de la banque dirigée par Serge Ekue.
Fiacre E. Kakpo
Une initiative lancée par l'Association des universités africaines de télévision (AAU TV).