(Agence Ecofin) - Un nouvel enlèvement qui s’ajoute à une longue série d’attaques contre des établissements scolaires, en particulier dans le nord du Nigeria où des groupes de criminels armés font régner la terreur depuis plusieurs années.
Le Nigeria a à nouveau été frappé par un drame terroriste, avec l’enlèvement d’entre 250 et 300 élèves du complexe scolaire de Kuriga dans l'État de Kaduna au Nord-Ouest (région gouvernementale locale de Chikun). L’attaque survenue au matin du jeudi 7 mars, est le fait d’un groupe non identifié équipé d’armes à feu.
“Nous avons tout d'abord cru que c’étaient des militaires et nous avons commencé à les saluer” raconte à l’AFP Maryam Usman, une rescapée de 11 ans qui affirme avoir dû enlever son voile pour échapper à la prise de l’un des ravisseurs. Mustapha Abubakar, 18 ans, a quant à lui réussi à fausser compagnie aux kidnappeurs au cours du trajet. Il explique que les victimes ont été forcées à marcher sur une longue distance, et qu’un avion de chasse les a survolées 3 fois.
Il s’agit probablement des secours militaires mobilisés le lendemain par le président nigérian Bola Tinubu, sans succès. La milice d’autodéfense locale (communément appelée Vigilante par les populations), constituée de civils volontaires armés (souvent des chasseurs, des bergers et des vigiles) a également été mise en échec. ‘’L'un d'entre nous a été tué d'une balle dans la tête, et un autre a été blessé à la jambe” indique l’un des gardiens, Jibril Ahmad.
Des parents d’élèves et professeurs ont également assisté à l’enlèvement, complètement impuissants. ‘’Ils ont fait sortir les enfants de l'école pour les emmener dans la brousse, comme des bergers avec leur bétail”. “Nous ne pouvions rien faire, et maintenant nous ne savons pas ce que nos enfants endurent”. “J'étais dans un état de sidération, et j'ai regardé avec horreur. C'était surréaliste”.
Autant de témoignages glaçants et poignants de détresse qui remettent sur la table la question de la sécurité civile, particulièrement dans le nord du Nigeria. Cette partie du pays a en effet été le théâtre ces 3 dernières années de nombreuses attaques similaires, au point que l’on peut parler de l’instauration d’un véritable business du rapt.
Aux jihadistes qui s’en prennent aux populations pour des raisons idéologiques et religieuses s’ajoutent des criminels de tout ordre attirés par la manne des rançons payées par les victimes démunies face au manque d’action de l’État. Quelques jours avant le drame de Kuriga, c’est dans l’État de Borno au nord-est que plus de 100 femmes et enfants ont été kidnappés dans un camp de déplacés, par de présumés djihadistes.
Début 2024, 5 jeunes sœurs étaient enlevées près d’Abuja. Et 2021 fut une année particulièrement marquée par le phénomène, avec des enlèvements massifs en février (plus de 300 écolières à Jangebe, État de Zamfara, et 27 autres à Kagara, État du Niger) et en juillet (140 lycéens à Chikun et 8 personnes, dont 1 bébé dans un hôpital, État de Kaduna). En 2020, le lycée de Kankara (État de Katsina) était vidé de 344 de ses pensionnaires, et tout le monde se souvient du rapt de Chibok où 276 lycéennes étaient kidnappées par Boko Haram.
SBM Intelligence, une firme nigériane de conseil en gestion des risques, indique que de juillet 2022 à juin 2023, 582 attaques sur l’ensemble du pays ont vu 3 620 personnes être kidnappées. Les ravisseurs frappent pêle-mêle écoles, routes, lieux de cultes, hôpitaux, villages, etc., avant de se retrancher avec leurs victimes dans les denses forêts du Nord nigérian qui leur servent de base. Toutes les couches et tous les groupes sociaux sont touchés.
Bola Tinubu, qui dirige le Nigeria depuis mi-2023, est donc confronté à un énorme défi sécuritaire. Pendant sa campagne pour la présidentielle, il promettait (comme ses prédécesseurs) de s’attaquer à ce phénomène qui affecte également le secteur des transports, avec des attaques notables de trains et d’aéroports.
Pour l’instant, les unités de police déployées se montrent assez peu efficaces, et les tentatives d’accords engagées par les autorités locales avec les groupes armés n’ont pas vraiment abouti. La sécurité des infrastructures cibles demeure également faible, souvent confiée aux milices vigilantes peu entrainées et équipées.
“Je suis profondément attristée et préoccupée par les infos faisant état d'un nouvel enlèvement d'étudiants dans l'État de Kaduna. La fréquence alarmante de tels incidents à travers le pays est le signe d’une crise qui nécessite une action immédiate et déterminée de la part de tous les niveaux de gouvernement et de la société” a réagi Cristian Munduate, représentant local de l'UNICEF, dans un communiqué.
Feriol Bewa
Une initiative lancée par l'Association des universités africaines de télévision (AAU TV).